L'alimentation de l'enfant

Lorsque nous parlons d'éducation alimentaire, nous parlons d'éducation au sens littéral du terme au travers des aliments et de la cuisine.

Cette précision est importante car parfois nous pensons à l'éducation nutritionnelle c'est à dire à l'équilibre alimentaire ou à la couverture des besoins nutritionnels spécifiques de l'enfant. En effet c'est souvent sous cette forme que les médias ou notre entourage nous en parle.

L'éducation alimentaire de l'enfant propose simplement un cadre dans lequel il va pouvoir s'épanouir en découvrant les plaisirs et les joies de l'alimentation. À travers le goût, l'odeur, la couleur, la texture des aliments, l'enfant va pouvoir s'éveiller et nous, en tant que parents, nous pourrons les émerveiller avec des recettes, des repas de fêtes, des assiettes joliment décorées ou des gâteaux d'anniversaire.

Et l'équilibre alimentaire dans tout ça ?

La nature fait bien les choses, elle a tout prévu. Nous naissons avec une formidable capacité d'autorégulation qui ajuste en permanence notre consommation alimentaire à nos besoins. Cette régulation va intervenir à plusieurs niveaux.
Un premier niveau va réguler les quantités d'aliments que l'on consomme par l'intermédiaire de nos sensations de faim et de satiété.
Lorsque nous avons besoin d'énergie, la sensation de faim apparaît, celle-ci peut déclencher la prise alimentaire. Quand nous avons consommé assez d'énergie, la sensation de satiété apparaît, ce qui va nous permettre d'arrêter de manger.
Cette régulation fonctionne chez l'enfant et chez l'adulte quelle que soit la densité énergétique de l'aliment.
Prenons l'exemple du chocolat qui contient beaucoup d'énergie pour un faible volume.
Si vous en consommez lorsque vous avez faim, vous serez plus vite rassasié que si vous consommez un aliment à plus faible densité énergétique comme les fruits.
Le deuxième niveau de régulation permet d'orienter nos envies en fonction de nos besoins spécifiques du moment en agissant sur nos appétits spécifiques.
Prenons le cas d'un individu qui serait en carence de vitamine C, dans ce cas, il pourra développer, par exemple, le goût pour l'orange.
Ces systèmes de régulation ont été mis en évidence et validés par des études scientifiques chez l'homme mais aussi sur d'autres mammifères omnivores comme les rats.

Cette régulation est d'une extrême précision mais elle est très fragile car elle est contrôlée par des systèmes physiologiques, mais aussi psychologiques. Certaines attitudes éducatives peuvent influencer la régulation psychologique, ce qui peut entraîner des troubles du comportement alimentaire.
Pour reprendre l'exemple du chocolat, si des parents interdisent ou contrôlent trop fortement sa consommation, cela peut entraîner une frustration qui risque d'augmenter considérablement l'envie de celui-ci. Dans ce cas, lorsque l'enfant va consommer du chocolat, il risque de le faire en grande quantité pour essayer de compenser cette frustration, mais aussi parce qu'un aliment qui ne sera peut-être plus disponible demain, autant en consommer beaucoup aujourd'hui.

En fin de compte, le chocolat, c'est juste un aliment comme les autres, ni bon, ni mauvais. Il suffit d'apprendre à l'enfant comment on le consomme, en fin de repas, au goûter, ou bien lors d'une fête, sans créer de fantasme, d'interdit ou de tabou.

Il existe des valeurs solides, stables ayant fait leurs preuves sur lesquelles les parents peuvent s'appuyer pour proposer une éducation alimentaire à leurs enfants. C'est la tradition culinaire familiale. En effet, lorsque l'on transmet de l'amour et du savoir-faire à nos enfants, au travers de recettes, on les ancre dans leur histoire familiale. Lorsque l'on fait la cuisine avec nos enfants, nous leur faisons découvrir les matières premières brutes, ce qui leur permet de faire le lien entre eux et la terre, alors, apprenons-leur le plaisir de la dégustation, l'apologie du goût et la diversité des saveurs.
Nous avons tous, dans nos souvenirs d'enfants, des recettes de nos parents ou de nos grands-parents qui sont associées à des pensées merveilleuses. Nous reproduisons parfois ces recettes avec une exactitude méticuleuse afin de retrouver ces saveurs rassurantes d'autrefois. Si nous avons parfois de mauvais souvenirs d'aliments que l'on nous a forcé à manger, nous savons également ce qu'il advient de la consommation de ces aliments plus tard.

À travers ces exemples, nous comprendrons aisément que le schéma éducatif basé sur l'équilibre nutritionnel manichéen est rapidement voué à l'échec.

La néophobie alimentaire chez l'enfant

Il existe une période pouvant aller de l'âge de deux ans jusqu'à l'âge de dix ans, pendant laquelle un enfant peut plus ou moins refuser les nouveaux aliments: c'est la néophobie alimentaire de l'enfant. Elle touche près de 80 % d'entre eux à des degrés différents.

Cette période pourrait être appréhendée par les parents comme un caprice, alors que, jusqu'à présent, cet enfant n'était absolument pas sélectif. Il est donc important de comprendre son fonctionnement afin d'y faire face.

Cette néophobie n'est pas un caprice, elle correspond à une période importante dans le développement de l'enfant, qu'il faut respecter.
Au début de sa vie, l'enfant se confond avec sa mère. Elle et lui ne font qu'un, donc tout ce qui vient de la mère est accepté, notamment la nourriture. Lorsqu'il grandit, il s'affirme en tant que personne, c'est également la période du "non" qui débute, ce qui peut expliquer en partie le refus de consommer certains aliments.
En réalité il existe une raison plus profonde, plus ancestrale, pour expliquer la néophobie alimentaire. S'il refuse de manger de nouveaux aliments c'est qu'il a, inconsciemment, peur de mourir empoisonné par l'incorporation d'un mauvais aliment.
Nous sommes des mammifères omnivores et nous avons dû, tout au long de notre évolution, tester de nouveaux aliments afin de nous adapter à notre environnement. Ces consommations inconnues n'étaient pas sans risque.
L'enfant, à travers son processus d'autonomisation individualisation, est soumis inconsciemment à cette peur de l'aliment nouveau, mais heureusement, il va élaborer des stratégies afin de la surmonter.
L'éducation et l'environnement familial vont jouer un rôle fondamental pour l'aider à traverser cette période "incertaine".